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Malika Bouchehioua, nouvelle présidente de l’Agefiph, entretien !

Malika-Bouchehioua-Agefiph
Branly – Spot 2 – PC
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L’Agefiph vit un renouvellement permanent depuis plus d’un an et demi. Après le lancement de son plan stratégique et les deux rapports, IGAS et Cour des comptes, les équipes ont été mobilisées. Depuis, beaucoup de choses ont été faites et continuent à prendre place pour simplifier les relations avec les entreprises, rendre l’offre plus lisible, améliorer l’accès à des formations d’avenir et se rapprocher des bénéficiaires dans l’objectif de faire progresser l’emploi direct.

C’est une mission ambitieuse que doit relever Malika Bouchehioua, nouvellement élue présidente de l’Agefiph par le conseil d’administration car la loi a depuis peu modifié le paysage et ouvert de nouveaux sujets.

Une carrière d’envergure dans les ressources humaines
C’est au cours de ses études de droit que Malika Bouchehioua a découvert les ressources humaines. Après avoir décroché un DEA de ressources humaines à Paris 1, elle intègre la direction des ressources humaines du groupe la Poste, où elle a exercé différentes fonctions durant 12 ans. Une expérience qui lui a permis de gérer de nombreuses activités et de s’emparer de la notion de l’intérêt public, de la dimension du handicap et de la diversité dans son ensemble.
Elle s’oriente ensuite vers le secteur privé et occupe depuis plus de quatre ans, le poste de directrice de ressources humaines du groupe familial Derichebourg multiservices. Celui-ci emploie plus de 30 000 personnes dans le monde. Avec ce nouvel engagement au sein de l’Agefiph, Malika Bouchehioua s’illustre véritablement comme une femme engagée. Elle possède une expertise RH qui lui octroie à la fois les connaissances et un véritable savoir-faire dans les domaines de la diversité et du handicap.





Un engagement pour partager une expérience et des convictions
A la question de ce que représente pour elle ce nouvel engagement à la tête de l’Agefiph elle nous répond : « Je me vois tout à fait présider l’Agefiph, en apportant mon expérience et ma vision à cette institution. Au cours de mon parcours, j’ai été confrontée aux différents aspects de l’emploi de personnes handicapées : recrutement, maintien dans l’emploi, aménagement de postes et bien sûr formation. C’est une composante permanente de l’activité ressources humaines.
La thématique de l’emploi des personnes handicapées a beaucoup évolué ces dix dernières années, même si nous ne sommes pas encore au niveau des objectifs fixés par la loi de 1987. » et d’ajouter « J’ai toujours connu l’Agefiph dans le cadre de mes fonctions, aujourd’hui je souhaite lui apporter un autre regard. En la voyant aujourd’hui de l’intérieur, je comprends mieux certains messages, tout comme son organisation. Je souhaite lui apporter la vision de l’entreprise de manière à ce qu’ensemble, avec le conseil d’administration, nous développions encore davantage l’emploi des personnes handicapées. C’est en faisant le lien entre les attentes des personnes handicapées et de celles des entreprises que nous allons y arriver. Nous devons assurer ce lien de manière agile et ma vision de DRH sera, je pense, d’une grande utilité pour nourrir l’intervention de l’Agefiph. Je suis ravie d’avoir cette vision à 360 degrés. »

La réalité du handicap est comprise par les entreprises
Si elle conçoit qu’il reste des difficultés de recrutements et d’embauches dans beaucoup d’entreprises, l’ouverture et la culture sur le handicap lui semblent aujourd’hui bien plus présentes au sein des entreprises. « C’est le fruit d’une sensibilisation et d’une animation intense et permanente à laquelle l’Agefiph a énormément contribué. Il faut bien sûr continuer.
Aujourd’hui la loi met la priorité sur l’emploi direct et c’est une très bonne chose qui va permettre de faire croître l’emploi des personnes handicapées. Analyser l’emploi des personnes handicapées en ne tenant compte que du taux de 6% aboutit à une appréciation partielle de la situation, car ce taux peut varier en fonction de contributions et de facteurs extérieurs.
Aujourd’hui nous ne sommes plus dans une vision aussi standardisée. Depuis quelques années la société française s’adapte à des mutations qui l’ont fait passer de l’ère industrielle à une ère de services, nous sommes en mouvement en permanence.
L’Agefiph est une belle maison, animée par un collectif de personnes expertes qui connaissent parfaitement le handicap et l’emploi. C’est fondamental car c’est plus difficile qu’on ne le pense de trouver de bons experts. Aujourd’hui l’Agefiph est en transformation et cette démarche a débuté il y a un an et demi avec la mise en place de son plan stratégique qui a déjà permis un certain nombre de changements ».





Quel regard portez-vous sur l’Agefiph ?
« C’est une institution très connue dans son domaine de compétences, l’emploi des personnes handicapées. Ceci dit, que peut-on faire de mieux ? Regardons les chiffres, le taux de chômage est de 19%, c’est implacable. Pour y remédier, développer l’emploi et la coordination des acteurs me semble une réponse prioritaire : conseil régional, Cap emploi, Pôle emploi… L’Agefiph a une grande légitimité pour coordonner les actions et politiques en faveur de l’emploi des personnes handicapées et appuyer les acteurs publics et privés pour bien prendre en compte le handicap dans les politiques d’emploi et de formation.
Nous devons aussi améliorer la lisibilité de nos offres, de manière simple et claire, un peu comme on lirait un menu. Ces offres doivent êtres compréhensibles par les entreprises comme par les personnes handicapées. Il faut en même temps que nous soyons plus pédagogiques sur le rôle de l’Agefiph avec, comme nous le disions plus haut, l’appui du réseau des Cap emploi, de Pôle emploi et des collectivités locales. Les acteurs doivent travailler ensemble avec fluidité en s’appuyant sur les services et les aides financières de l’Agefiph. ».

Que pensez-vous de la multitude d’acteurs qui interagissent dans l’aide au recrutement des personnes handicapées ?
« Personnellement, je suis pour la réactivité et la simplification. Nous devons inscrire nos actions en complémentarité les unes des autres et favoriser la proximité avec les entreprises et les personnes handicapées. Mais la proximité ce n’est pas toujours ce que l’on imagine et l’Etat est d’ailleurs très novateur dans ce domaine. Lorsque l’on aborde le cas des allocations familiales ou des impôts, le digital a pris le relai. Cela nous a amené à nous poser cette question : « Quelle est notre capacité à être proche de nos bénéficiaires et à identifier leurs besoins ? ». Le digital nous paraît être une bonne solution car il ne signifie pas forcément la coupure du lien social. Si le message est cohérent, que l’organisation est claire et la communication accessible, cela renforce le lien social. Un portail digital peut répondre, en complément des possibilités d’accueil physique, à l’ambition portée par l’Agefiph d’être en proximité avec les entreprises et les personnes.
Le nouveau site internet de l’Agefiph est attendu pour janvier 2019. Il sera beaucoup plus simple et devrait faciliter la recherche des interlocuteurs, la réponse à un premier niveau d’interrogation et faire découvrir l’offre de services et d’aides financières de l’Agefiph. Cette offre intégrera aussi un centre de ressources ouvert à tous.».

La réforme de la loi travail qu’en pensez-vous ?
« Chez Derichebourg, je n’ai pas d’accord agréé mais un accord collectif pour aller au-delà des 6%. Aujourd’hui en qualité de DRH, je pense que la réforme de l’OETH devrait m’apporter une souplesse supplémentaire. En effet, même avec plus de 150 établissements, je remplis la DOETH pour une seule entreprise, alors même que chacun d’entre eux a son propre fonctionnement.  Actuellement, avec l’accord signé au niveau de mon entreprise, nous nous engageons sur un taux de 7% d’emploi de personnes handicapées. Il s’agit de maintenir l’engagement de l’entreprise sur le handicap.
De mon point de vue, la loi comporte de bonnes mesures pour nous permettre de renforcer l’emploi des personnes handicapées, par exemple, elle favorise l’emploi direct. Articuler l’obligation d’emploi autour de l’emploi direct est, de mon point de vue, une avancée pour ouvrir toutes les entreprises au handicap. La loi laisse toujours la possibilité aux entreprises de soutenir le secteur protégé et adapté. Le recours à la sous-traitance auprès du secteur protégé et adapté, notamment par les petites et moyennes entreprises, présente aussi de nombreux intérêts et peut encore progresser. La loi étend aussi la déclaration d’emploi de travailleurs handicapés à toutes les entreprises, y compris celles qui emploient moins de vingt salariés, et c’est une très bonne chose. Cela ouvre la possibilité de mettre en visibilité leur engagement pour le recrutement et le maintien des personnes handicapées dans leurs effectifs.
Je note avec regret dans la loi que le jeu de minorations soit supprimé. Une incitation pourrait rester pour toutes les personnes recrutées de plus de 50 ans par le biais des dispositions de la loi concernant les efforts en matière de maintien dans l’emploi. La suppression des minorations pour les jeunes de moins de 25 ans notamment, c’est vraiment dommage. Mais nous devons attendre les décrets d’applications pour valider tout cela ! »

Tous responsables face au handicap
Si je dois résumer, la loi nous dit que nous sommes tous responsables et que le handicap fait partie de notre société, de fait l’emploi ne doit pas y échapper.
La fin progressive des accords agréés en place va peut-être permettre de mettre de nouvelles ressources au service de l’offre de services et d’aides financière de l’Agefiph. Je pense aussi que les six années accordées dans le cadre des accords nouvellement signés représentent une durée raisonnable. Par exemple, pour la gestion prévisionnelle des emplois nous sommes, en général, dans des délais bien plus courts.
Que les entreprises se rassurent, pour faire face à la réforme de l’OETH, l’Agefiph prévoit de proposer un accompagnement et même s’il est toujours important d’anticiper les évolutions, les entreprises ont le temps. Ces dispositions s’appliqueront sur la DOETH en 2020 avec effet en 2021, voire même plutôt à compter de 2024, les renouvellements des accords agréés en place étant encore possible une fois. Ensuite, tout ne va pas disparaître car nous sommes en capacité de développer notre offre pour accompagner les entreprises, notamment toutes celles qui ont déjà développées des initiatives ou mis en place une mission handicap pour leur permettre de poursuivre les actions mises en place.
Bien sûr, dans certains secteurs le recrutement est difficile du fait du niveau des profils recherchés mais dans beaucoup de branches ce n’est pas le cas. Il existe beaucoup de secteurs où le taux d’emploi de personnes handicapées doit pouvoir progresser. Pour les branches professionnelles employant des profils plus qualifiés ou des compétences spécifiques, l’orientation, la formation initiale et professionnelle peuvent soutenir la création des viviers de compétences aptes à exercer ces métiers. L’Agefiph est engagée depuis longtemps aux côtés des branches pour construire des dispositifs spécifiques et innovants. Nous allons continuer ! »

Quels conseils donneriez-vous aux entreprises qui éprouvent des difficultés à recruter ?
« Ce problème de recrutement existe bien au-delà de la question du handicap, pour certains métiers le marché de l’emploi est tendu. Il y a depuis très longtemps un problème d’apprentissage et d’orientation en France. Les personnes handicapées sont impactées plus sévèrement par ce problème. Il faut faire évoluer cette situation et l’Agefiph s’est engagée pour soutenir l’alternance. Toutes les équipes sont mobilisées sur la réforme de la formation et son impact sur l’apprentissage. C’est un levier très efficace. Bien sûr, certaines branches de métiers manuels sont plus génératrices de handicap que d’autres et les candidats sont aussi confrontés à des offres de formation de plus en plus techniques et complexes pour retrouver un emploi. Il faut donc qu’en amont nous parvenions à sécuriser et à maintenir davantage les personnes fragilisées dans l’emploi et à adapter les emplois. Il est aussi possible de soutenir des projets de reconversion avec des dispositifs passerelles, en captant ces personnes, comme les jeunes en apprentissage, sur des métiers innovants.
Enfin, si parfois, les entreprises affichent des listes de postes et ne trouvent pas de candidats c’est souvent parce qu’elles n’ont pas trouvé les bonnes passerelles. C’est un point très sensible pour nous, et qui peut aussi trouver une solution avec l’alternance.
L’Agefiph entend sensibiliser les écoles, les universités, les centres de formation et même développer des partenariats avec les acteurs de la formation initiale qui sont, quant à eux, confrontés à des problèmes d’accessibilité. La loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » impose aux Centres de formation et d’apprentissage (CFA) de nommer un référent handicap. C’est une bonne mesure, dont l’Agefiph entend soutenir le déploiement.

Nous déployons un nouveau service : la Ressource handicap formation. Elle est construite, au niveau local, en partenariat avec tous les acteurs de la formation et va soutenir les projets de formation en accompagnant les organismes de formation et les apprenants pour adapter les contenus et les rythmes de formation afin de tenir compte du handicap. En 2019, toutes les délégations régionales de l’Agefiph animeront une Ressource handicap formation. »

Le chômage des personnes handicapées a été multiplié par deux en 5 ans qu’est-ce que cela vous évoque ?
On ne peut pas nier les chiffres, mais il faut prendre en considération l’augmentation importante, dans la même période, des demandes de la Reconnaissance de travailleur handicapée (RQTH) (+ 300 000 entre 2013 et 2015). Cela a eu pour conséquence de faire croitre le nombre de bénéficiaires de l’OETH en recherche d’emploi. Cette évolution est à porter au crédit du travail du législateur et de l’Agefiph qui a su sensibiliser à la fois les personnes et les entreprises à la nécessité d’assumer la situation de santé et de démystifier la question du handicap au travail. Grâce à cela nous connaissons mieux les situations de handicap. L’augmentation du taux de chômage des personnes handicapées n’est donc pas uniquement le résultat d’une dégradation de leur situation, mais aussi parce que que nous avons une meilleure connaissance de la réalité.
Les entreprises identifient aussi mieux les personnes porteuses d’un handicap au sein de leurs effectifs, et cette vigilance permet de faire bénéficier ces salariés des dispositifs de l’Agefiph et contribuer à sécuriser leur parcours.
La confiance mutuelle exprimée lorsqu’une personne déclare son handicap à son entreprise est une évolution importante. Il y a 10 ans cette démarche n’avait rien de simple.
Cela étant dit, cette évolution ne me suffit pas, nous devons activer toutes les possibilités qui permettront au plus grand nombre de construire un parcours professionnel plus fluide, quelle que soit son handicap. »

Quelles seraient vos préconisations pour les entreprises confrontées aux réformes de l’OETH ?
« Hâtez-vous lentement. La réforme fait bouger des lignes, mais nous avons le temps pour nous y préparer ensemble.
L’obligation d’emploi et la contribution qui y est associée sont une vraie préoccupation, c’est tout à fait naturel. Mais, je crois que c’est l’engagement des employeurs pour construire une politique ressources humaines ouverte à tous qui est important. Les entreprises sont à l’écoute de notre message. L’Agefiph déploie « en direct » depuis le début de l’année une nouvelle offre de service destinée aux entreprises. Nous nous employons à la faire connaître. Nous cherchons aussi à rendre l’ensemble de nos offres accessibles et lisibles, elles représentent un soutien concret pour les entreprises. Nous sommes là pour elles, et pour les personnes handicapées, pour faciliter le recrutement, la sensibilisation, le maintien dans l’emploi et la formation. Pour cela nous allons impulser une meilleure coordination des acteurs et une accessibilité plus fine à nos offres via, notamment, notre futur site internet. »

Appelez-vous toutes les entreprises à nouer ou à renouer contact avec l’Agefiph ?
« Oui, tout à fait ! L’offre de l’Agefiph est au centre de toute la politique d’emploi-handicap déployée par les acteurs de l’emploi, de la formation et de la santé. Nous sommes là pour les conseiller, les accompagner, les sécuriser et assurer le lien entre les acteurs. Un ensemble de services et de conseils sont proposés par les délégations régionales de l’Agefiph. Rencontrer le conseiller de l’Agefiph permet de dresser un premier état des lieux de la situation de l’entreprise vis-à-vis du handicap, de dresser un plan d’action pour envisager le sujet dans toutes ses dimensions et ouvrir son entreprise au handicap… Il suffit de nous contacter, et c’est un service public. »

Aux demandeurs d’emploi quel message adressez-vous ?
« La recherche d’un emploi peut être divisée en deux : celle auprès des grandes entreprises et celle auprès des petites entreprises. En ce qui concerne les grandes entreprises, elles passent par des sites de recrutement qui sont de véritables viviers de recrutement, et pour entrer en contact avec les moyennes et petites entreprises il faut être en permanence en lien avec Pôle emploi, Cap emploi ou l’Apec.
En 2018, l’Etat, Pôle emploi, le FIPHFP et l’Agefiph ont rénové le réseau des Cap emploi. Ils sont désormais positionnés sur l’accès à l’emploi, le maintien dans l’emploi l’accompagnement des parcours professionnels. Mon conseil c’est donc d’aller voir les Cap emploi pour mettre toutes les chances de son côté, bénéficier d’un accompagnement personnalisé et accéder à l’ensemble des services et aides financière de l’Agefiph et des acteurs de l’emploi et de la formation. N’hésitez pas également à faire connaître vos difficultés à votre conseiller Pôle Emploi, il devrait vous aider à vous orienter vers le bon accompagnement.

Quel serait votre mot de conclusion ?
« Pour conclure, je tiens à dire que je suis honorée de la confiance que le conseil d’administration m’a gratifiée. J’ai deux challenges : le premier c’est d’assurer, avec le conseil d’administration et l’ensemble des salariés de l’Agefiph, la représentation et les intérêts de l’Agefiph dans le cadre de la concertation actuelle avec le gouvernement qui vise à redéfinir l’offre de services et favoriser l’emploi des personnes handicapée.
Le deuxième c’est de déployer le plan stratégique qui doit nous permettre de mieux répondre encore à notre mission. Ce plan fait largement écho aux questionnements postés dans le cadre de la concertation : renforcement de la thématique du handicap et du recrutement des personnes handicapées au sein des entreprises, accessibilité et lisibilité des offres, fluidification des parcours, amélioration des réponses et ceci tout en tenant compte d’un marché de l’emploi difficile. »

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